Astrid Oleg Come A s' de ♥ et R o i des Glaces
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| Sujet: Un amour de Swann et autres histoires [Jacinthe] Dim 26 Juil - 4:34 | |
| Jacinthe D'. & Astrid C'. La condition humaine, c’était ce qu’il lisait alors qu’il se reposait à l’ombre du vieux chariot. Vieux chariot que l’on avait baptisé, pour lui donner un aspect ô combien plus respectable, Chariot abandonné. S’il y avait bien un lieu qu’Astrid appréciait dans ce vieux ranch pourri, délabré, délabrant, c’était le chariot. Il y avait déjà écrit près de trois cent pages du roman qu’il voulait être son meilleur écrit, sa Madame Bovary, sa Saison en Enfer. Mais aujourd’hui il n’avait le cœur à rien, surtout pas le cœur aux mots. Ecrire, écrire, écrire, c’était assez fastidieux parfois de trouver le mot juste celui qui, en plus d’exprimer l’idée ferait ressortir de la phrase banale une poésie. Mais voilà quand le cœur n’est pas à la poésie ou plutôt quand il est à la mélancolie écrire ne sert à rien. Ecrire pour écrire il s’y était toujours refuser, lire pour lire aussi. Rien ne se faisait sans but, sans envie chez Astrid et c’était en cela qu’il était entier.
Dieu qu’il aurait aimé à cet instant avoir l’insouciance de son frère, dieu qu’il aurait voulu s’extasier de l’arbre aux fleurs rougeoyantes alors qu’elles auraient dû être en pleine fenaison, mais lui n’arrivait pas à aimer la vie pour sa beauté primaire, non il n’y arrivait pas, cela devait être un de ses traumatismes d’enfance, ou un autre trouble que le jargon psychiatrique aurait nommé d’une façon tellement absurde que le mal n’aurait plus eu l’air d’en être un.
La condition humaine, il lisait, attentif à la difficulté de la langue de Malraux, trouvant en cet auteur qu’il avait qualifié de fatigant et de décourageant deux ans plus tôt une forme rare et précieuse d’intelligence et une ingénieuse perception de la vie. Le livre en lui même n’était pas passionnant, l’histoire était complexe, les personnages nombreux et ayant tous une envergure plus ou moins réduite, mais c’était aussi ça, le charme. Faire d’un personnage minimaliste un être qui pouvait semble hors du commun.
Mais tout lasse, tout le monde se lasse de tout, fait établi ou constatation instinctive et irréfléchie, Astrid le pensait. Le style engourdissant du français le lassait après une demie heure de lecture, alors il laissa de côté son petit livre. Alors pris au dépourvu et en parfait bilingue il sortit de son sac le petit livre qu’il aimait tant. Mrs Dalloway, Virginia Woolf. Il avait coutume maintenant de venir ici seul, pour réfléchir, apprécier à sa juste valeur le lieu qu’il détestait tant.
La solitude qu’il éprouvait lui faisait se sentir le roi du monde, il s’y était accoutumé, ici, mais ce jour-là, Solitude ne semblait pas être celle qui l’accompagnerait. En effet, et ce malgré l’envie irrésistible qu’il avait de s’en aller ou d’envoyer balader la personne qui approchait, il fit semblant d’être absorbé dans sa lecture quand il vit le visage de la jeune fille qui chemin faisant avait décidé de s’arrêter un moment au chariot abandonné. C’était elle, Jacinthe. | |
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